Un dernier rendez-vous

Le coeur d'Élisabeth battait vite, trop vite. Elle ne savait pas si Gilbert avait finalement acquiescer à sa demande, où s'il avait une autre idée derrière la tête. Mais elle n'avait plus rien à perdre. Elle suivit Gilbert et attrapa sa main, comme il lui demandait. Elle n'arrivait plus vraiment à parler, mais elle arriva à articuler un seul mot. 

- D'accord.

Gilbert monta sur le cheval et aida Élisabeth à monter à sa suite.

Sans dire un mot, il chevaucha pendant moins d'une vingtaine de minutes en direction du lieu qui avait remplacé l'ancienne Castel-Rosa, en retournant la tête de temps en temps pour s'assurer qu'ils n'étaient pas suivis. Contournant cette banlieue d'Anarme, il se dirigea directement vers la plaine en périphérie de la principale, là où, la veille de son départ, il avait juré son pacte de sang aux abords de la rivière.

Il attacha son cheval à l'entrée de la plaine et aida Élisabeth à descendre. Il la prit par la main et avança vers la rivière. Rendu aux trois quarts du chemin, il laissa sa main et dégaina nonchalamment son épée. Il déclara à voix haute, sans prendre la peine de se retourner.

-Avant tout, tu dois comprendre que ce que je fais, je le fais pour toi. Pour ton bonheur. Pas pour le mien.

Élisabeth était nerveuse, mais elle ne savait pas pourquoi. Quand Gilbert lâcha elle s'arrêta et eut l'impression que quelque chose clochait. 

- Qu'est-ce que tu fais ?

-Je fais ce que je peux pour que tu puisses vivre heureuse. C'est ma responsabilité en tant que mari non?

Il lança son arme quelques mètres plus loin, détacha sa ceinture, retira sa chemise. Il retourna la tête en riant de bon coeur et affirma, sourire en coin :

-Fais moi confiance.

Gilbert s'approcha d'Élisabeth, pris son visage entre ses mains et l'embrassa langoureusement.

Élisabeth croyait fortement que l'endroit l'avait mise en garde, pour rien finalement. Elle avait eu peur en revoyant cette rivière qui avait marqué un point sur leur séparation il y avait déjà plus d'une année de cela. Elle fut bouche-bée en voyant l'épée aller valser plus loin. Elle le regard détacher sa ceinture, retirer sa chemise, sans même pouvoir faire un seul mouvement. 

Le Gilbert timide, doux, l'adolescent qu'elle avait connue était désormais loin. Les temps qu'ils avaient passé loin l'un de l'autre lui avait permis de devenir un homme, tout comme elle avait finalement compris ce qu'était de devoir être une femme et d'assumer ses responsabilités. Ils étaient loin d'être les enfants insouciants qui rêvaient d'une petite maison tranquille loin des guerres, loin de tout qu'ils s'étaient imaginés à l'époque. Ils avaient rêvé de tout ensemble. Gilbert et Élisabeth, Élisabeth et Gilbert. Elle se souvenait désormais avec plus de clarté ce qui l'avait attiré chez lui à la base. Elle avait bien cru qu'elle ne l'aimait pas, pendant longtemps... enfin qu'elle l'aimait mais pas de la façon qu'elle aurait du. Elle était revenue vers lui, car elle avait réalisé qu'il était probablement la source de son bonheur. Mais alors que la bouche de l'homme venait de se poser sur la sienne, elle sut qu'elle avait eu tord tout ce temps.

Son coeur battait à une vitesse inégalée jusque ici. Elle ne voyait plus rien, ne sentait plus rien exceptée les serrements qu'elle avait à l'estomac et les lèvres de Gilbert qui lui faisaient perdre la tête. Elle eut un moment avant de pouvoir faire le moindre mouvement. Puis elle lui rendit son baiser, avec force et passion, glissant ses mains sur le visage de son époux.

Elle dut rapidement reprendre son souffle, la peur l'ayant pris au ventre. Elle éloigna légèrement son visage de celui de Gilbert, respirant rapidement. Elle ne voulait prendre aucune initiative, elle ne connaissait pas les intentions exactes de Gilbert, elle ne voulait franchir aucune limite avec lui. Mais elle avait peur aussi. Bien qu'elle avait raconter ici et là sa soi-disant aventure avec Jacob, elle se souvenait bien qu'ils avaient tous les deux bus une certaine quantité de vin et qu'elle avait évité plusieurs choses, évitant de s'offrir à lui. 

C'était donc une première pour elle, contrairement à toutes les attentes, elle qui était mère pourtant. Ce qui lui mit une pensée dans la tête. Alors qu'elle tentait de reprendre son souffle.

Les années avaient passé, mais ils étaient encore là et Gilbert était l'homme à qui elle avait offert chacune des étapes de l'amour. Il était le premier homme à avoir touché ses lèvres d'un baiser anodin échangé lors d'un soirée trop arrosé. Serait-il le premier à posséder son corps?

*Le premier et le dernier*

Gilbert riait. Un rire insouciant, innocent. Comme un enfant qui jouerait à son jeu préféré, ou plutôt le découvrirait.
 
Il l'attira contre lui d'un main, la serrant assez fort pour sentir leurs coeurs battre à l'unisson, alors que l'autre descendait le long de son corps, s'imprégnant de chacune des courbes de cette femme qu'il avait tant désiré. De ses côtes à ses cuisses en passant par ses fesses, rien ne fut laissé pour contre.
 
Gilbert ferma les yeux et poussa un long soupir.
 
Il étreignit Élisabeth avec force et enfouit sa tête dans le creux de son cou. Le parfum de ses cheveux lui évoqua une foule de souvenirs qui déferlèrent devant ses yeux à une vitesse fulgurante.
 
*Ma raison de vivre...*
 
Pendant longtemps, ces moments avaient été tout ce qui l'avait accroché à la vie, tout ce qui l'avait empêché de sombrer dans la folie. Tout ce qui séparait l'adolescent aux valeurs nobles et pures du tueur sans pitié ni remords. Ce n'était plus le cas désormais, mais il était capable de comprendre pourquoi cela l'avait été autrefois.
 
Il l'embrassa dans le cou, encore et encore, goûtant à cette douce volupté qui lui était encore étrangère.
 
Puis il entreprit de la déshabiller. Tranquillement, doucement. Du bout des doigts : comme s'il avait affaire à quelque chose de tout particulièrement fragile qu'il ne voulait pas risquer de souiller de ses mains qui, pendant trop longtemps, avaient prodigué beaucoup trop souvent la mort et pas assez de caresses.
 
Elle était à moitié nue devant lui alors qu'il arrêta. La tension du moment était palpable, tout comme son désir, mais il y avait quelque chose qui l'empêchait d'aller plus loin.
 
Alors que les mots refusaient de sortir, les yeux de Gilbert parlèrent pour lui.
 
«En es-tu certaine?»

Élisabeth avait laissé Gilbert prendre les commandes. Elle s'était laissé touché, déshabillé, comme une poupée de porcelaine l'aurait fait. Elle avait peur, mais en avait vraiment envie. Lorsqu'il s'arrêta, elle sentit l'hésitation chez lui. Elle vit dans ses yeux qu'il voulait s'assurer que c'était vraiment ce qu'il voulait.

Sans parler, les mots auraient été de trop, elle glissa sa main le long de la joue de Gilbert et vint coller son corps contre le sien en déposant ses lèvres sur les siennes, dans un baiser doux et lent. C'était son accord qu'elle lui faisait parvenir en tentant d'effacer la peur qui lui serrait le ventre.

Gilbert et Élisabeth s'embrassèrent doucement, tendrement, mais avec intensité et passion. Ils continuèrent de s'embrasser alors qu'il s'affairait à lui retirer ce qui restait de vêtements à elle, puis à lui. Il coucha le corps nu d'Élisabeth dans l'herbe et s'agenouilla face à elle.
 
C'était le début de l'automne et le temps commençait à se rafraîchir, mais Gilbert transpirait à grosses gouttes.
 
Il avait l'impression de ne pas être prêt. C'était bête, surtout rendu à ce point, mais il ne pouvait le nier. Sa nervosité était si grande qu'il devait se faire violence pour empêcher ses muscles de convulser. Il n'avait pas l'impression d'être prêt, mais il savait que s'il n'était pas prêt là, il ne le serait jamais.
 
Faisant fi du stress et de ses pulsions profondes, il lui fit l'amour en de grands gestes lents et sensuels, prolongeant le plaisir aux limites du supportable. Puis il lui fit l'amour encore. Encore et encore. Il s'abandonna à l'extase de ces nouvelles sensations, s'oublia complètement au moment. Il découvrit une femme qu'il ne connaissait pas, mais avant tout un homme qui lui était parfaitement étranger.
 
Les secondes devinrent des minutes, les minutes des heures et avant longtemps, le soleil commençait déjà à se coucher.
 
À bout de souffle, Gilbert se laissa choir aux côtés de sa compagne. Il prit la main d'Élisabeth et regarda le soleil amorcer sa descente vers l'horizon. Cela lui remémora les jours où, entre deux attaques, elle et lui pouvaient passer des heures à s'étendre côte à côte, main dans la main, à regarder le ciel et les nuages.

Élisabeth s'offrit à Gilbert, complètement. Elle perdit pied, perdit l'esprit. En vérité, alors qu'il lui faisait l'amour, elle n'arrivait plus à voir quoi que ce soit excepté le visage de Gilbert. Ses pensées s'étaient perdus et elle profitait de la sensation simple que ce moment lui procurait.

Il faut avouer que jamais dans sa vie elle n'avait vécue de sensation aussi intense... et jamais plus ça ne lui arriverait. Quand il s'installa à ses côtés, la tenant par la main, des larmes se mirent à couler sur la joue de la jeune femme. Elle pleurait à nouveau, à chaudes larmes, mais elle ignorait si c'était de peine ou de bonheur. Elle pleurait, mais ne voulait pas bouger, elle ne voulait pas briser ce moment, ni même être la première à prononcer une parole.

Elle préféra pleurer en silence, laissant les larmes dégringolées sur ses joues, le sourire au lèvre, le corp encore tremblant de ce qu'elle venait de vivre.

Une poignée de minutes passa ainsi, sans que ni l'un ni l'autre ne prenne la parole. Lorsque Gilbert sentit les larmes ruisseler le long de son épaule, il demanda avec un peu d'hésitation :
 
-Est-ce que... ça va?
 
Elle semblait heureuse, mais il avait toujours eu de la difficulté à la cerner, alors il voulait s'en assurer. Il réfléchit et crut comprendre pourquoi elle pleurait.
 
-Tu te sens plus prête à me dire adieu maintenant?
 
Il était à peu près certain que la réponse était non, lui-même doutant de la réponse qu'il aurait donné à cette question.

Élisabeth souriait toujours, elle n'osait pas parler, de peur que sa voix se casse. Les larmes coulaient, moins rapidement. Sa respiration se calmait lentement. Mais elle continuait de se remémorer certains moments, des moments simples, malgré que leur vie était en danger à chaque moment à cette époque.

Pour Élisabeth, la guerre fut un moment beaucoup plus facile pour Élisabeth. Chaque matin, elle se levait et elle avait une raison de le faire. Depuis qu'ils étaient arrivé dans ce qu'ils appelaient le nouveau monde, elle n'y avait jamais vraiment eu sa place. Elle était heureuse avant, très heureuse, du moins elle avait tenté de l'être. Le tout lui semblait tellement flou désormais, tout ce qui lui restait de cette époque là était ce sentiment, cette sensation qui habitait tout son corps, en cette minute précise où plus rien ne comptait vraiment excepté le bonheur de ce qu'elle venait de faire, la sensation d'extase.

Elle finit par se forcer à ouvrir la bouche. Sa voix se cassa dans les pleurs.

- ça va.

Ce n'était pas un mensonge, ni une vérité. Tout en elle était flou, étourdi.

- Je ne sais pas si je suis prête, mais je n'ai pas le choix je crois.

Sa voix était hésitante. Elle voulut tenter un mouvement pour se relever, mais n'eut pas le courage, restant couché. À nouveau, elle mettait le pouvoir dans les mains de Gilbert. S'il se levait, et qu'il l'a quittait maintenant, et bien ce serait cela de fait, mais elle-même ne prendrait pas cette initiative, elle irait contre ce qu'elle ressentait au plus profond de son coeur.

Gilbert se releva tranquillement et prit la main d'Élisabeth pour l'aider à se redresser elle aussi.
 
-Tu as déjà eu ce choix, mais plus maintenant.
 
Il la prit pas les épaules, les yeux plongés dans les siens. Les yeux de Gilbert étaient inondés par une tristesse qui semblait infinie.
 
-Ce n'est pas facile pour moi de te quitter, surtout pas après ce que nous venons de vivre, mais il le faut. Malgré nos sentiments, il y a quelque chose entre nous qui s'est brisé et qui ne pourra jamais vraiment être réparé. Quelque chose qui m'empêcherait d'être bien avec toi.
 
Il prit une grande respiration avant de continuer, conscient que les mots qu'il s'apprêtait à prononcer seraient sûrement parmi les derniers qu'il lui adresserait.
 
-J'ai accepté de le faire parce que je crois sincèrement que ça peut te rendre heureuse. Comprends que je l'ai fait pour toi. Ne doute pas que j'y ai pris goût, c'était... c'était... merveilleux, incroyable. Ce sera pour moi un souvenir que je chérirai toute ma vie. Mais tu dois comprendre que je l'ai fait pour toi. Désormais, je devrai vivre avec les remords de ce moment, avec l'angoisse d'avoir peut-être mis au monde un enfant dont je ne pourrai pas être le père. Mais je crois que pour toi, ça n'a pu qu'être bénéfique. Si tu veux vivre, alors peut-être cela te donnera l'espoir dont tu as de besoin pour continuer. Si tu veux abandonner, alors j'espère qu'il s'agira d'un souvenir satisfaisant à emmener de l'autre côté.
 
Il avait énuméré les deux options sans sourciller. Qu'elle vive ou qu'elle meure, c'était la croisée des chemins pour eux. C'était la fin de leur chemin ensemble et il était évident que cela venait chercher Gilbert au plus profond de lui-même. Leur séparation imminente serait déchirante, il le savait, et malgré son calme apparent, quelque chose dans sa voix et dans son regard trahissait son appréhension.
 
-Élisabeth, saches que ce n'est pas parce que tu crois que la vie n'a plus rien à t'offrir que c'est le cas. Ne confonds pas ta perception du monde avec ce qu'il est vraiment. Si tu veux t'accrocher à la vie, alors tu peux le faire. Tu peux vivre heureuse si tu le veux, j'en suis persuadé. Chose certaine, même si la mort peut t'apparaître comme une délivrance, elle ne t'apportera ni bonheur, ni réconfort.
 
Les paroles de Gilbert avaient plus l'allure de conseils que d'ordres ou de supplications. La décision finale revenait à Élisabeth, et il voulait qu'elle le comprenne, mais il voulait également qu'elle puisse entendre son opinion sur le sujet avant de faire un choix.

Élisabeth se rhabilla. Elle se leva, ne savait pas trop quoi dire. En réalité, elle avait plusieurs souvenirs qui se succédaient dans sa tête, des moments heureux, des moments malheureux. Elle revoyait sa première rencontre avec Gilbert, le baiser qu'ils avaient échangé pour un verre de vin de plus. Elle se revoyait par la suite, échanger les premières paroles, des discussions qui s'éternisaient. Et puis elle revoyait les moments où ses sentiments se mélangeaient dans sa tête. Elle se revoyait avec Jacob, avec Terrance, Avec Gilbert. Elle revit même les jeux morbides.Puis elle retraversa son mariage. Ce moment où elle avait vécu bonheur et déception à la fois. Puis la séparation, quelques temps après. Elle regarda Gilbert dans les yeux, tenta de sourire. Les larmes coulaient encore sur ses joues, des larmes de nostalgie, des larmes de regret.

Mais elle était heureuse, du moins beaucoup plus heureuse qu'elle ne l'avait été dans la dernière année, depuis la mort de Bane. À quelques reprises, elle avait aperçu le bonheur, chaque fois il lui avait échappé, ou bien elle l'avait fait fuir. Cette rencontre lui avait finalement apporté ce qu'elle avait désiré : une dernière chance de connaître ce que c'était que de se laisser aller à l'amour. Elle avait fui pendant des années, elle ne s'était jamais donné, avait eu peur. Mais maintenant, c'était terminé. Elle devait partir, et alors qu'elle remettait ses vêtements, qu'elle sentait l'imminence de son départ, elle se sentait un peu plus prête à chaque instant.

Elle pleurait encore, mais il fallait avouer qu'elle avait bien meilleure mine qu'à son arrivé. Ces yeux avaient repris une teinte plus vivante, son sourire devenait sincère, quoi que nostalgique. Elle se rhabilla, sans prononcer un mot, sans même montrer l'idée qu'elle désirait parler. Une fois qu'elle eut terminé, elle s'approcha de Gilbert, lui prit la main et alla déposer un baiser chaste sur la joue de son mari.

- Je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu m'as permis de vivre. Bien que je ne me sente pas prête à t'abandonner, à abandonner mon amour pour toi, je me sens prête à te laisser continuer d'avancer et de tenter un nouveau pas vers la vie. Je ne sais pas encore ce qu'elle me réserve, mais j'y vois un peu plus d'espoir. Tu as tout tenté pour m'aider et je tâcherai de te le rendre en continuant de vivre ma vie, du mieux que je le peux.

Elle s'éloigna de Gilbert, relâcha sa main.

- À vrai dire, je crois que je vais commencer par quitter ces terres, retourner vers mes racines et me trouver un emploi là ou personne ne me connait, probablement dans une auberge. J'ai longtemps voulu devenir aubergiste. 

Elle regarda autour d'elle s'apprêtant à partir.

- Je me donne une nouvelle chance, pour toi, pour nous. 

Elle déposa une main sur son ventre, sachant qu'il y avait tout de même des chances qu'elle porte l'enfant de Gilbert. 

- Je te laisserai savoir s'il y a quoi que ce soit, je te laisserai savoir s'il n'y a rien. Tu as le droit. 

Elle s'approcha de Gilbert, dans un geste rapide et alla déposer un dernier baiser sur la bouche de ce qui allait devenir son ex-mari.

- Pour la chance.

Elle s'éloigna et commença à se diriger vers la civilisation.

- Remarie-toi, sois heureux, pour que l'une de nos histoires se terminent bien après tout.

-Il n'est pas encre garanti que la mienne sera heureuse. Et il est tout sauf certain que la tienne ne le seras pas.
 
Dit-il en enfilant sa dernière botte. Il passa sa chemise par dessus son épaule, récupéra son arme et d'un pas, il rejoint Élisabeth. Ils marchèrent ensemble, côte à côte, pendant un certain moment.
 
-Tu es devenue forte Élisabeth, ajouta Gilbert. Tu peux t'estimer fière d'avoir eu le courage de persévérer alors que bien d'autres auraient laissé tomber.
 
Chose certaine, lui était fière d'elle. Ça se voyait dans son regard.
 
-Reste forte. Sois heureuse. Crois, et tu pourras retrouver l'amour, le vrai. Je te le souhaite tellement. Je sais que tu le mérites.
 
Il ferma les yeux, fit le constat.
 
Il avait fait sa part, et il n'avait pas tout à fait échoué. En fait, ils avaient réussi à atteindre ce qui lui semblait être le dénouement le plus heureux possible compte tenu des circonstances.
 
Ce n'en était pas moins difficile.
 
Gilbert serra Élisabeth dans ses bras avant de se retirer. Il osa un dernier :
 
«Je t'aime»
 
Avant d'enfourcher sa monture. Il jeta un dernier regard derrière lui avant de se diriger vers le nord, où se rejoignait l'expédition pour récupérer la rose de Jéricho, une mission de laquelle il n'était pas du tout certain qu'il allait revenir vivant.
 
Il n'avait pas osé demander à Élisabeth si elle pouvait désormais mourir heureuse.
 
Lui le pouvait.

Élisabeth regarda Gilbert s'éloigner. Un lourd poid s'effaçait lentement dans son coeur. Pour la première fois de sa vie, elle sentait que ces adieux étaient les bons, qu'elle pourrait continuer sa vie la tête haute maintenant. Elle ne croyait pas pouvoir retrouver l'amour un jour, mais du moins, elle tenterait de vivre heureuse pour Gilbert.

Elle se trouvait en Anarme, là où elle avait presque tout vécu de sa nouvelle vie. Elle fit ses adieux à ses terres et se dirigea vers ailleurs. Elle n'avait jamais connu la géographie, mais elle souhaitait s'éloigner d'ici, des seigneurs qu'elle connaissait, de tout ceux qui faisaient partie de sa vie présentement, ceux qui ne la respectaient pas.

Alors que Gilbert chevauchait vers ailleurs, elle-même se permis une dernière preuve d'amour

« Je t'aime aussi Gilbert Bousquet »

et pour une fois, elle n'avait plus mal à y penser, elle n'avait plus mal et elle respectait ses sentiments. Elle était prête à le laisser aller. Quand il fut disparu de sa vue, elle se permis de s'éloigner, se rendit à l'auberge qu'elle savait être prêt de où ils étaient et se prit un verre.

À l'aube, elle irait consulter des cartes et commenceraient à préparer son voyage, en commençant par se trouver un emploi, pour pouvoir payer ce qui suivrait.